« Un ministère ne peut pas défaire la Bourse, et la Bourse peut défaire un ministère ».  De Lucien Leuwen de Stendhal

Ce mercredi 8 avril demeura un jour symbolique pour la marque au losange.

En effet, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron et son homologue des finances, Michel Sapin ont annoncé par communiqué de presse l’acquisition d’un maximum de 14 millions de titres Renault soit environ 4,73% du capital. L’Etat, qui en détenait déjà 15%, verra une fois l’opération finalisée sa participation augmenter jusqu’à près de 20% du capital de Renault.

Il ne faut toutefois pas se méprendre ce regain d’intérêt pour le constructeur automobile n’est pas lié à une volonté de renationalisation, il s’agit au contraire d’une opération digne des plus fins stratèges qui intervient à trois semaines de l’assemblée générale du géant automobile prévue pour le 30 avril prochain.

Dans quel objectif l’État a-t-il procédé à cette augmentation de capital ?

Par cette prise de pouvoir sur l’assemblée générale, l’État a pour objectif de soutenir l’adoption des droits de vote doubles par Renault. En effet, sans cette intervention, la mise en oeuvre de ce dispositif aurait été annulée, une majorité des deux tiers des actionnaires y étant a priori défavorables.

Mais pourquoi avoir fait le choix de la marque au losange ? Le gouvernement veut faire respecter dans l’une des entreprises dont il est encore actionnaire, la loi « Florange » ou encore appelée loi de « reconquête de l’économie réelle » votée le 29 mars 2014.

En quoi consiste la loi « Florange » ?

Cette loi a pour ambition de faire des droits de vote doubles la règle dans les sociétés cotées.

Le dispositif est le suivant : les actionnaires, ayant conservé leurs titres pendant au moins deux ans, se verront récompensés par l’octroi de droits de vote doubles. Sauf si l’assemblée générale adopte une résolution qui annule ce dispositif (Cf. Article 7 de ladite loi).

En d’autres termes,  le passage aux droits de vote double devient automatique, sauf vote à une majorité des deux tiers pour maintenir des droits de vote simples.

Quel est l’intérêt des droits de vote doubles ?

Selon l’État, il s’agit d’une mesure visant à encourager l’investissement de long terme qui aurait pour vocation de stabiliser le capital des entreprises françaises.

Qui sont les détracteurs de la loi Florange ?

Les gestionnaires d’actifs, les investisseurs anglo-saxons (car cela peut s’apparenter à un mécanisme anti-OPA), et autres cabinets spécialistes de la bonne gouvernance d’entreprise y sont profondément hostiles. Ils considèrent, en effet, que le principe «une action une voix» devrait rester la norme.

De plus, selon le « gendarme » de la Bourse, cette réforme risque d’affecter l’image de la place de Paris « déjà réputée pour faire des entorses aux principes communément admis de la démocratie actionnariale, le principe de l’égalité entre les actionnaires en particulier ». L’Afep-Medef, a d’ailleurs repris pour partie ces critiques.

Toutefois, le communiqué de Bercy souligne que les droits de vote doubles « sont d’ores et déjà aujourd’hui une réalité dans plus de la moitié des entreprises du CAC 40 ».

Enfin, qu’à cela ne tienne, le gouvernement entend peser en assemblée générale. S’agissant de GDF Suez, il est sûr d’avoir gain de cause avec ses 33 % du capital qui lui donnent la minorité de blocage. En ce qui concerne Alstom, Bercy a demandé à Bouygues, premier actionnaire, d’adopter la même démarche. En revanche Orange refuse d’opter pour ce régime.

Line JOAS, Juriste

Sources : http://www.lemonde.fr/, le 08 avril 2015 ; http://www.7pm-auto.fr

Catégories : Droit des affaires