L’image est marquante, celle de Jérôme Cahuzac franchissant les couloirs du Palais de justice sous les feux des projecteurs pour se rendre en appel devant ses juges.

Le caméraman est talentueux, il arrive à percevoir le regard et même l’âme de Jérôme Cahuzac.

Je m’interroge à nouveau : que peut ressentir cet homme, forcément intelligent puisque chirurgien puis ministre ?

Quels sentiments peuvent naître en pareilles circonstances ?

La chose me serait intolérable… Comme à beaucoup d’entre nous…

Plusieurs années d’exposition médiatique et d’opprobre jetée…

On se rassure en se disant que cela ne peut nous arriver, ne serait-ce parce que nous déclarons tous scrupuleusement nos revenus à l’Administration fiscale ou parce que, tout simplement, la plupart d’entre nous étant salariés, le problème ne se pose pas puisque le système déclaratif social et fiscal rend la fraude impossible ou très difficile…

On peut aussi se gausser de la situation de cet ancien ministre, « pris la main dans le sac » accomplissant une turpitude qu’il était chargé de sanctionner…

On peut encore être tenté de se satisfaire de la peine prononcée par les premiers juges : trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité.

Trois ans…

La seule référence chronologique que les plus anciens d’entre nous peuvent avoir d’une privation de liberté, même si cela n’est pas comparable, est la durée de notre service militaire de l’époque…

Trois ans… Même si de nombreuses possibilités d’application et d’aménagement de peine existent ce qui peut faire que la peine ne soit pas totalement exécutée en milieu carcéral, cela doit être long ; surtout pour un chirurgien ancien ministre pas forcément rompu à cet exercice…

D’ailleurs, cela se termine souvent par une grave maladie…

On peut voir dans ces propos, l’opinion de l’Avocat toujours prompt à trouver des excuses et des circonstances atténuantes.

Pas seulement.

Il est question d’analyse permise par le recul de l’Avocat fiscaliste habitué à solliciter la remise des pénalités et majorations et tentant souvent de faire en sorte que le dossier « n’aille pas au pénal ».

D’ailleurs, les contribuables français sont-ils tous irréprochables ?

Ainsi, le jeune étudiant de l’époque, il y a maintenant déjà une quarantaine d’années, pouvait voir lors de son premier cours de Droit fiscal, son professeur affirmer tout de go : « la moitié de ce qui se fait en France est au noir » !

Afin d’en déduire immédiatement, qu’en tant que contribuables scrupuleux, nous payions tous deux fois plus…

Gageons que l’évolution des pratiques ainsi que des techniques de contrôle aient réduit sensiblement la fraude fiscale, mais le fervent partisan des cellules de régularisation fiscale peut attester avoir régularisé beaucoup de dossiers… Encore récemment…

Les ressorts psychologiques et les tentations, présentés comme juridiquement sans risques, incitant à de tels agissements sont multiples et il est parfois difficile d’y résister…

Même si un ministre se doit être « le meilleur d’entre nous » et être particulièrement exemplaire, il ne faudrait pas que ce besoin d’exemplarité, certes nécessaire, entraine vers la sévérité excessive…

Il ne fait nul doute que nos magistrats, au fait du dossier, sauront « faire justice » …

Mais quelque part, ce que j’ai cru voir dans le regard de Monsieur Jérôme Cahuzac, m’incite à la compassion…

Pas seulement en tant qu’adepte de l’excuse et des circonstances atténuantes…

Aussi par humanité.

Les yeux de Monsieur Jérôme Cahuzac…

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