La nouvelle est tombée dimanche 14 mars au soir. L’Assemblée générale des actionnaires du géant de l’agroalimentaire français a décidé de révoquer le Président Directeur Général du groupe.

Après presque 7 ans de bons et loyaux services, Emmanuel Faber est ainsi remplacé par Gilles Schnepp, ancien patron du Groupe Legrand, pour un départ immédiat, après des mois de crise dus à la pandémie mondiale.

La brutalité de cette décision nous fait revenir sur la procédure de révocation du dirigeant, telle que reconnue en ses modalités en France, notamment pour les sociétés anonymes (SA) telles que Danone.

Au pays des libertés, la révocation sans préavis, indemnité ni motivation du Président de Conseil d’Administration de SA par l’Assemblée générale des actionnairesest une règle d’ordre public érigée comme telle par l’article L. 225-18 du Code de commerce.

Cela implique, en outre, qu’aucune inscription à l’ordre du jour de l’assemblée ne soit nécessaire, étant donné qu’un administrateur (ou dirigeant en l’occurrence) peut être remercié « en toutes circonstances », soit par l’Assemblée générale ordinaire, soit par l’Assemblée générale extraordinaire.

Du fait de l’absence d’un droit à réparation octroyé à l’administrateur, la seule limite à la révocation dite « ad nutum » est l’abus de droit. Ainsi, la décision ne doit-elle pas avoir été prise de manière brutale, vexatoire, sans honneur, auquel cas le révoqué pourrait demander le versement de dommages et intérêts en dépit du caractère irréversible de sa révocation.

C’est dans ce cadre qu’Emmanuel Faber, Président responsable et engagé dans la stratégie RSE de son groupe, a été révoqué. Ses actionnaires principaux l’avaient déjà dans le collimateur depuis quelque temps, lui reprochant de ne pas avoir su faire face aux concurrents (Nestlé, par exemple) durant la crise sanitaire, et de miner le versement de dividendes, soit la rentabilité financière pour ses actionnaires.

Surprenante au regard de l’engagement société du Groupe Danone, devenue entreprise à mission en juin 2020, cette révocation s’inscrit toutefois pleinement dans le cadre du principe de libre révocabilité d’un administrateur qui, selon un arrêt du 26 avril 2017, ne peut être écarté par aucune clause ni pacte d’actionnaires selon la Cour de cassation.

Décision instiguée par Artisan Partners et le fonds anglais activiste Bluebell Capital qui souhaitaient retrouver un Président « véritablement indépendant », elle aura pour conséquence la suspension du plan de restructuration Local First, initié par Emmanuel Faber et prévoyant la suppression de 2.000 postes dans le monde. Malgré le chiffre d’affaires de 24 milliards d’euros réalisé en 2020, et ce en dépit de la crise liée à la Covid 19, c’est ainsi qu’Emmanuel Faber s’est retiré, la procédure de recrutement d’un nouveau directeur général étant toujours en cours.

Il est fort à parier que le Groupe se soit entendu avec son ancien Président afin de lui verser certaines indemnités au regard des conditions de sa révocation, notamment si ces circonstances portent atteinte à sa réputation.

Précisions enfin que, même s’il n’existe aucun droit à réparation – en principe -, la révocation de l’administrateur, du Président et/ou Directeur Général de Société Anonyme doit respecter le principe du contradictoire. Cela implique qu’il soit permis à l’intéressé de présenter sa défense face aux arguments à charge.

Après des mois de confusion, l’ancien PDG du Groupe Legrand devra s’attacher à satisfaire les actionnaires en renouant avec une marge opérationnelle supérieure à 15% et, ce, tout en respectant la nouvelle philosophie de Danone, devenue entreprise à mission, soit une tâche qui s’annonce ardue et périlleuse. Avocats Picovschi, compétent en droit des affaires à Paris, suit pour vous l’actualité et ne manque pas de vous tenir informé !

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