Par Aline PICOVSCHI

Notre époque fourmille décidément d’opportunités de carrières et de développements pour tous les profils d’individus, pourvu qu’ils aient une grande confiance en eux.

On a créé pour eux un terme délicieusement dénué de sens tout comme ils en sont eux-mêmes démunis : les influenceurs !

Les connaissances, les formations, les compétences ? Inutiles et superflues ! Elles ne font que faire perdre un temps précieux à ces jeunes tricoteurs de réseaux sociaux.

Le plafond de verre que créaient auparavant les diplômes et les formations prestigieuses, en dessous duquel les profanes ne pouvaient que s’étioler et ronger leur frein, éclate en 1000 morceaux.

Attention aux chutes de verre dans leur périmètre d’action : elles risquent fort de blesser en retombant les personnes qui se seront laissées influencer, quand les influenceurs décident de se mêler d’autres choses que de recommander un parfum ou les derniers « It bag » qui vont apporter les moyens de carreler en or les piscines de leurs heureux fabricants.

Le seul bagage utile pour ces individus est le bagout, inversement proportionnel en général aux compétences et aux connaissances.

Pour l’instant, il semblerait que cette nouvelle catégorie de manipulateurs du bon sens n’ait l’intention de sortir de leur zone de confort (expression certainement développée par eux d’ailleurs) que pour s’attaquer au monde très connexe de la finance.

Il ne s’attaque pas encore au monde de la santé en donnant des avis opportuns sur la nécessité de soigner ou non son cancer par les plantes.

Néanmoins, leurs conseils avisés, notamment en matière de choix de placement en cryptomonnaie, en ont déjà ruiné quelques-uns qui pourraient bien être ainsi conduits à en tomber malade…

J’ai un diplôme de Finances en poche, acquis il y a plus de 40 ans et j’ai commencé ma carrière à la Compagnie des agents de change, institution créée par Napoléon pour organiser et contrôler le marché financier français. Aujourd’hui d’autres organismes ont pris le relais.

Je sais, pour l’avoir vécu, que le fait de travailler dans ce temple de l’argent, à une époque où il était pourtant un peu moins révéré qu’aujourd’hui, me dotait d’un prestige indéniable auprès de mes congénères et a donné une envie irrépressible à mes relations et amis de s’ériger tout d’un coup conseiller en investissement… Comme si ça se transmettait comme un virus…

Je sais, pour l’avoir vécu, que ce domaine de la Finance a quelque chose de terriblement attirant pour la plupart des individus vivant dans nos sociétés de plus en plus dénuées de sens, et surtout de bon sens, et qu’il est assez triste de voir la jeunesse qui devrait plutôt rêver d’un monde meilleur, tomber dans le panneau.

C’est peut-être la faute de notre génération… Ou pas… Mais beaucoup de grands penseurs, d’Einstein à Hannah Arendt, disaient que constater sans réagir revenait à y participer. Voilà mon petit coup de gueule et mon avertissement : réduisez le rôle des influenceurs aux choses sans importance.

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