Après les magistrats, c’est au tour du Conseil national des barreaux de se positionner contre le projet de réforme de la police judiciaire porté par le ministre de l’Intérieur le 31 août 2022. Le CNB dénonce notamment la mise en danger de l’indépendance de la Justice, de la garantie de l’Égalité des citoyens devant la loi et s’inquiète de l’intrusion du pouvoir exécutif dans les procédures pénales.

Loin de conférer de nouvelles attributions au ministère de la Justice, le projet de réforme de la police judiciaire lui en enlève pour les accorder au pouvoir exécutif et menace ainsi la séparation des pouvoirs.

À ce jour, les enquêteurs de police judiciaire sont sous l’autorité du Directeur central de la police judiciaire (DCPJ), n’ont pas de limite territoriale et sont sous le contrôle et la hiérarchie directe des magistrats judiciaires. Le projet de réforme prévoit de placer tous les services de police à l’échelle du département sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet.

En d’autres termes, c’est plus de 5 000 fonctionnaires de police judiciaire qui ne seront plus sous le giron de la Justice, mais sous celui du ministère de l’Intérieur. Francois Molins, procureur général près la Cour de cassation, s’est exprimé sur France Inter en déplorant que ce projet de loi ne soit pas à « la bonne échelle ». Il soutient que la PJ est le seul service qui rend des enquêtes de qualité, mais qu’il va se trouver limité aux seuls départements quand les trafiquants sont mobiles au-delà de ces limites. « La criminalité aujourd’hui, elle a beaucoup évolué, ça se joue à l’échelle des inter-régions et de l’international. C’est trop petit le département (…) ».

Ce projet de loi s’inscrit dans la politique sécuritaire du gouvernement mise en place depuis la loi renseignement de 2015 ou encore la loi sécurité globale qui fait de la protection de l’État et des citoyens une priorité.

Sans le contrôle du juge, garant de l’État de droit, les avocats craignent le débordement du pouvoir exécutif sur les prérogatives de la chancellerie. L’État de droit n’étant garanti que si, et seulement si, la Justice demeure indépendante de toute pression politique. Cependant, c’est au ministère de l’Intérieur que revient la charge d’allouer des effectifs de police aux personnels de la Place Vendôme. Ainsi, comme le souligne la présidente de la commission Libertés et droits de l’homme du CNB, Laurence Roques, cela peut remettre en cause l’indépendance des enquêtes (notamment politiques) car il suffirait de refuser des moyens policiers aux magistrats pour que celles-ci soient étouffées. 

Les policiers eux-mêmes s’en sont mêlés et l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) a été créée mi-août par des enquêteurs de police judiciaire pour s’opposer à la réforme. Leur mot d’ordre, éviter la dilapidation de leurs compétences et alerter sur les effets désastreux que ce projet aura dans la lutte contre la criminalité « Les effectifs de la police judiciaire, ainsi fondus dans ceux de la sécurité publique, n’auront plus, ni le temps, ni les moyens, de combattre la criminalité organisée et les crimes graves et complexes ».

Malgré la promesse d’Élisabeth Borne de “lever les inquiétudes”, cela n’a pas suffi à apaiser les tensions et le CNB se tient prêt à rédiger un nouveau rapport à l’issue de la délibération du Sénat sur le projet de loi, en première lecture, le 10 octobre. Avocats Picovschi suit pour vous l’actualité et ne manque pas de vous tenir informé.

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