Au terme d’une longue bataille judiciaire, la Cour de cassation donne finalement raison à Greenpeace, qui avait détourné le logo de la compagnie Areva, au nom de la liberté d’expression. 

 

Six ans ! Il aura fallu attendre tout ce temps pour enfin connaître le fin mot de l’affaire opposant Areva à Greenpeace. Mais avant d’aller plus en avant dans la décision, un petit résumé des faits s’impose : en 2002, l’association écologiste avait lancé deux campagnes publicitaires sur Internet pour dénoncer les politiques environnementales de la société pétrolière Esso et de la société spécialisée dans le nucléaire Areva. Concrètement, ces publicités parodiaient les logos de chaque compagnie en associant chacun d’eux à la mort : ainsi, par exemple, Greenpeace avait détourné le logo d’Areva en y faisant paraître en arrière fond une tête de mort ou un poisson à l’aspect maladif. 

 

Voilà pourquoi Esso et la Société de participations du Commissariat à l’Energie Atomique (SPCEA), détentrice de la marque Areva, avaient décidé d’assigner en justice l’association écologiste. La procédure judiciaire débuta en 2002 par des actions en référé dans lesquelles Greenpeace obtint gain de cause, le juge des référés considérant que « le détournement d’une marque dans le cadre d’une campagne publicitaire pour la défense de l’environnement ne crée pas un risque de confusion au sens de l’article L713-3-b du Code de la propriété intellectuelle ». 

 

Malheureusement pour Greenpeace, les juges du fond ne suivirent pas la même analyse que leur homologue du référé. Ainsi, un jugement du TGI de Paris du 9 juillet 2004, confirmé ensuite par un arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 17 novembre 2006, considérait que la présence d’une tête de mort ou la représentation d’un poisson mortel sur un logo détourné d’Areva procédait d’une démarche purement dénigrante. Pour les juges du fond, la liberté d’expression avait des limites qui avaient été dépassées en l’espèce. 

 

Toutefois, nouveau rebondissement avec l’arrêt de la Cour de cassation, rendu le 8 avril 2008, qui casse l’arrêt d’appel et donne ainsi gain de cause à Greenpeace considérant que « agissant conformément à leur objet, dans un but d’intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, [Greenpeace] n’avait pas abusé de son droit de libre expression ». La Haute Juridiction a également considéré que l’utilisation des logos Areva ne visait pas la société SPCEA mais les marques déposées par elle. On ne pouvait donc pas reprocher à Greenpeace un quelconque dénigrement à l’encontre de la SPCEA puisque la campagne publicitaire portait plutôt atteinte aux activités et services de la société et non à sa réputation ou à son honneur. 

 

A noter par ailleurs que concernant le litige avec Esso, les juges du fond, par un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 16 novembre 2005, avaient déjà réglé le problème en estimant que le rapprochement entre la marque pétrolière et les dollars s’inscrivait dans les limites de la liberté d’expression. Esso n’avait pas jugé utile de se pourvoir en cassation. 

 

Par conséquent, la jurisprudence accorde une grande valeur à la liberté d’expression, et cela au détriment des autres droits. Une position contestable tant parfois la liberté d’expression dépasse les limites et s’approche dangereusement de la frontière de la diffamation ou du dénigrement. En cas de doute, n’hésitez pas à contacter un avocat compétent qui saura défendre vos intérêts. 

 

Alexandre Rodrigues 

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