Deux ordonnances, rendues le 16 mai 2008 par le TGI de Paris, affirment la compétence du tribunal français pour des affaires de contrefaçon concernant un site Internet non basé en France. Le critère retenu : l’impact économique en France. Ces deux décisions judiciaires relancent le débat jurisprudentiel.

Dans la première affaire, le TGI de Paris avait à connaître d’un litige désormais devenu classique entre des sociétés de parfums et le site de vente aux enchères en ligne, eBay, lequel avait acheté des liens commerciaux proposant des contrefaçons de parfums. Les sociétés de parfums avaient assigné en contrefaçon eBay mais ce dernier se défendait en contestant la compétence du tribunal français pour statuer sur des liens commerciaux ne visant pas le public français. Cet argument semble cependant n’avoir pas convaincu la vice-présidente du TGI de Paris qui considère que « les sites eBay sont accessibles aux internautes depuis le territoire national ». La magistrate en tire la conséquence qu’il est parfaitement compétent pour régler ce type de litige puisque les faits sont alors « susceptibles d’avoir un impact économique sur le public français ».

Dans la seconde affaire, opposant cette fois-ci le site de vente en ligne français RueduCommerce à Carrefour Belgique, la même juge reste fidèle à ses idées en rejetant l’argumentaire de l’hypermarché Belge. Mais, en plus de reprendre le critère de l’impact économique sur le public français, le TGI de Paris ajoute « qu’il importe peu à ce stade de savoir si un internaute peut procéder à l’achat, depuis la France, de produits proposés à la vente par l’intermédiaire de dénominations litigieuses ».

Par ces deux ordonnances, le TGI de Paris relance le débat jurisprudentiel sur la compétence des juges français pour les litiges liés à Internet. En effet, en droit européen, un Règlement CE du 22 décembre 2000 détermine quel tribunal est compétent en cas de conflit transfrontière : il s’agit normalement du tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit. Mais le problème avec Internet, c’est que le fait dommageable peut se produire partout dans le monde puisque c’est un moyen de communication accessible à tous.

S’appuyant sur la jurisprudence européenne Fiona Sheville laquelle avait retenu le critère de la compétence universelle des juges des Etats membres, un arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 9 décembre 2003, avait posé le principe que le tribunal français était compétent dès lors que le site était accessible depuis la France. Mais une nouvelle jurisprudence plus restrictive quant à l’appréciation de la compétence du juge français semblait naître. Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu le 26 avril 2006, avait semé le doute en retenant la nécessité de caractériser « un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits ou actes et le dommage allégué », pour déterminer la compétence du tribunal français. Cet arrêt fut ensuite confirmé par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 20 mars 2007.

Par conséquent, dans ces deux affaires jugées le 16 mai 2008, le TGI de Paris revient aux premiers amours de la jurisprudence en faisant une interprétation très extensive du Règlement européen de sorte qu’aujourd’hui on peut toujours saisir un juge français pour un litige contre un site Internet étranger étant donné qu’il aura toujours un impact économique sur le public français. Reste à savoir si cette décision du TGI de Paris aura un impact sur sa grande sœur, la Cour d’appel de Paris.

Alexandre RODRIGUES

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