C’est aujourd’hui que les « mariés de Lille » se présentent à nouveaux devant les magistrats de la Cour d’Appel de Douai. Le parquet, suite à la demande du Garde des Sceaux, a dû interjeter appel de la décision qui avait annulé un mariage sur le fondement de l’article 180 du Code Civil, en faisant de la non-virginité une qualité essentielle.

Cette décision avait suscité de nombreuses réactions tant dans le monde politique que dans le monde associatif, qui voyaient à travers cette jurisprudence une intégration de la religion dans la loi et une atteinte à des valeurs fondamentales. Mais les mariés accordent tellement d’importance à leur mariage qu’ils ne sont pas prêts de l’annuler pour n’importe quel raison.

S’agissant de l’époux celui-ci garde pour principal argument celui invoqué en première instance, c’est-à-dire le mensonge de sa femme en ce qui concerne sa virginité, et complète ce dernier en ajoutant la notion juridique de « sincérité ». Il est certain que si les juges retiennent ce raisonnement pour annuler le mariage, l’appel n’aura pas eu l’effet escompté et le scandale ne fera que renaître.

L’épouse quant à elle choisit la contre attaque et fonde son argumentation sur le fait que son mari l’a bafouée et qu’il s’est mal comportée à son égard. Juridiquement c’est la notion de manque de « respect » qui est avancée ici et qui naturellement entraîne une demande de dommages intérêts. Elle s’aligne ainsi sur la citation de Beaumarchais « Quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi. ». La défense passe à l’attaque, mais ce fondement pourrait connaitre des dérives dans la pratique, et juridiquement on se rapproche plus des causes de divorces que d’annulation.

Le parquet souhaite aussi cette annulation mais sur d’autres fondements qui cette fois ci ne porteraient plus atteintes aux principes d’égalité hommes-femmes, de la libre disposition de son corps et de la dignité de l’être humain. Il propose ainsi de considérer que les deux époux n’avaient pas été en mesure d’apprécier leurs personnalités respectives. Malheureusement on imagine déjà les vastes interprétations que pourraient permettre un tel fondement et les dérives qui pourraient en découler. A partir de quand, et quels sont les critères pour affirmer que l’on est en mesure d’apprécier la personnalité de l’autre ? Viendra ensuite la question du degré de réciprocité de cette connaissance de l’autre…

Les avocats experts en droit de la famille n’ont donc pas fini de chercher le bon critère pour annuler un mariage, à tel point que l’on peut se demander si cette procédure n’est pas devenue obsolète. La proposition de supprimer la demande en annulation pour ne laisser place qu’au divorce pourrait finalement trouver ses défenseurs.

Si l’on regarde la situation des deux époux d’une manière pratique, cela va bientôt faire un an et demi qu’ils se sont mariés uniquement pour le pire. L’avocat de la demande aurait vraisemblablement dû choisir la procédure de divorce pour consentement mutuel, qui finalement est parfaitement rentrer dans nos mœurs. Cette procédure aurait évité le scandale engendré par cette affaire et  permis une plus grande rapidité dans la résolution de ce conflit.

Charles CAZALS

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