Commentaire de l’arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation le 4 avril 2006

Un particulier, désireux de faire construire une piscine sur son terrain, s’est adressé à un entrepreneur pour la réalisation de son projet. L’entrepreneur a du commander des dalles chez un fabriquant. Dès réception du matériel, l’entrepreneur les a utilisées afin de réaliser le dallage de la piscine de son client. Lors de la réception de l’ouvrage, le client a formulé, par écrit, des réserves sur la qualité du dallage de la piscine, soupçonnant un vice caché des dalles utilisées.

Le client, insatisfait par le résultat obtenu, a assigné l’entrepreneur afin qu’un expert judiciaire soit nommé et que ce dernier se prononce sur la qualité des dalles utilisées et fournies par le fabriquant. Les demandes du client ont été favorablement accueillies et il a, ainsi, obtenu du Tribunal qu’un expert soit nommé. le rapport d’expertise déposé par la suite a conclu à une défectuosité des dalles.

Le client, conforté par les conclusions de l’expert, a alors a assigné d’un part l’entrepreneur et d’autre part, le fabriquant sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue par l’article 1642 du Code civil. Cette action judiciaire était guidée par la volonté d’obtenir une indemnisation au titre de la réfection du dallage et de la perte de jouissance.

Par une action récursoire, l’entrepreneur a, assigné le fabriquant auprès duquel il s’était fourni sur ce même fondement juridique.

Une décision en appel a condamné l’entrepreneur et le fabriquant à indemniser le client du préjudice qu’il avait subi du fait des vices affectant les dalles de sa piscine.

Le fabriquant des dalles a alors formé un pourvoi en Cassation contre la décision rendue par la Cour d’Appel de PARIS qui repose sur trois moyens de droit.

Le fabriquant estime que le client et l’entrepreneur n’ont pas respecté les règles procédurales qui s’imposent dans de telles affaires et notamment l’obligation d’agir à bref délai. Ainsi, le fabricant des dalles considère que le client et l’entrepreneur n’ont pas agi pendant la période dite de « bref délai » qui est imposée par la Loi pour des actions dont le fondement juridique est la garantie des vices cachés. Dans son pourvoi, le demandeur affirme que le point de départ de ce délai qui doit être pris en compte est le jour où les réserves ont été formulées en ce qui concerne le client et pour l’entrepreneur, le jour où il a réceptionné les dalles.

Par ailleurs, il tente de démontrer qu’en raison de sa qualité de professionnel, l’entrepreneur ne pouvait ignorer les vices affectant les dalles livrées et qu’il n’aurait pas du les utiliser pour réaliser le dallage de la piscine de son client.

Cette affaire pose deux interrogations majeures qui sont en premier lieu de déterminer quel est le point de départ du bref délai imposé par la Loi pour agir sur le fondement de la garantie des vices cachés et en second lieu, de savoir si la qualité de professionnel laisse présumer que l’entrepreneur avait déjà connaissance des vices affectant les dalles.

La Cour de cassation, n’a pas envisagé ces deux interrogations de la même manière. Alors qu’elle a pris soin de motiver expressément les réponses apportées à la première des interrogations, elle s’est contentée de faire une réponse implicite pour la seconde.

Dans sa décision, empreinte d’une forte volonté de protéger le non spécialiste, La Cour d’Appel avait retenu que « l’existence du vice affectant les dalles livrées et fabriquées n’avait pu être connue qu’au moyen de l’expertise » et que « les réserves faites par le client à la réception de l’ouvrage ne suffisaient pas à démontrer qu’il ait eu alors une exacte connaissance du vice ». Par cette décision la Cour a donc estimé que les vices affectant les dalles étaient néanmoins cachés puisqu’ils n’étaient pas décelables par le client. Une expertise avait été nécessaire et déterminante pour apprécier l’ampleur et le caractère irrémédiable des désordres.

L’arrêt rendu par la Cour de Cassation suit les motivations qui avaient été celles de la Cour d’appel et reflète une volonté certaine de protéger l’amateur. Ainsi, la Cour a rejeté les deux premiers moyens du pourvoi en précisant que les juges du fond ont fait une appréciation souveraine de la situation qui leur était soumise. De la même manière elle ne retient pas l’argumentation développée par le fabriquant dans le troisième moyen et estime que la qualité de professionnel de l’entrepreneur ne lui avait pas permis de déceler les vices affectant les dalles qu’il avait livrées à son client, seule l’expertise diligentée ayant permis d’obtenir confirmation de ces malfaçons.

Afin de faire une analyse la plus exhaustive qu’il soit de cette décision, il convient de rappeler que l’action en garantie des vices cachés, dont le régime juridique est prévu aux articles 1641 et suivants du Code civil, doit, selon l’article 1648 de ce même Code, doit être intentée dans un bref délai. Or, cette notion de bref délai, bien qu’essentielle, n’est pas toujours précisément définie, ce qui pose parfois de nombreuses difficultés.

En effet, si l’action n’est pas engagée à l’intérieur de ce délai, l’action est prescrite. La victime du vice caché n’est donc plus en mesure de pouvoir d’agir sur ce fondement.

Ce délai est apprécié souverainement par les Juges, en fonction de la nature des vices et des faits et circonstances de la cause de ces vices. En principe, ce délai est de 6 mois si l’interprétation retenue est celle qui a été faite par la jurisprudence et qui est afférente à l’article 1648 du Code civil.

En revanche ce délai sera interrompu et cessera de courir si une action est intentée, même en référé, voire, comme en l’espèce, en référé expertise.

D’après la jurisprudence, le point de départ de ce délai doit être fixé au moment de la découverte du vice caché.

Dans le cas d’espèce c’est la détermination de ce point de départ qui a posé problème et, plus précisément, le fait de savoir si ce point de départ était fixé de la même manière pour le client et l’entrepreneur.

La Cour de Cassation, par cette décision, estime que les réserves formulées par un client à la réception de sa piscine ne sont pas de nature à faire courir le bref délai dans lequel doit être intentée l’action en garantie des vices cachés si une expertise est nécessaire pour démonter l’existence de ces vices.

On considère alors que le point de départ de ce délai, à savoir la découverte du vice, est non pas fixé au jour où des réserves ont pu être formulées par le client parce qu’il avait des doutes mais le jour où il en obtient la confirmation de l’expert.

La Cour de Cassation va même au-delà, en retenant implicitement, dans le cas qui nous intéresse, que l’entrepreneur, bien que professionnel en la matière, ne pouvait avoir eu connaissance des vices affectant le matériel en cause, avant le résultat de l’expertise.

Toutefois, il n’est pas possible de généraliser cette solution. En effet, il serait indubitablement plus raisonnable de conclure que dans certains cas le professionnel et notamment l’entrepreneur pourrait être en mesure de déceler certains vices et que, devenant des vices apparents, ce dernier n’ait plus la possibilité d’agir sur le fondement des vices cachés.

Il est par conséquent, important, , d’agir en justice dès que la découverte des vices cachés est intervenue, afin de ne pas risquer le non respect du bref délai imposé par la Loi.

Article rédigé par maître Frédéric DEBORNE paru dans le magazine d’octobre 2006 « Pool & Spa »

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