« C’est la chaussure qui fait l’homme. Cirée en crachant dessus, jusqu’à qu’on se voie dedans. » Delirium Tremens (2004), Ken BRUEN

La société Louboutin, connue pour ses célèbres semelles rouges, a connu bien des déboires pour s’approprier un monopole à titre de marque.

À titre liminaire, rappelons que la marque telle que définie par l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle, consiste en « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ».

Par un arrêt du 22 juin 2011 l’opposant à la société Zara, la Cour d’appel de Paris avait prononcé la nullité de la marque « semelle de couleur rouge » pour défaut de distinctivité. Pour les juges, « ni la forme, ni la couleur du signe déposé ne sont déterminées avec suffisamment de clarté, de précision et d’exactitude pour être de nature à lui conférer un caractère distinctif propre à permettre d’identifier l’origine d’une chaussure ».

Aux États-Unis, un tribunal de New York, le 10 août 2011, avait également refusé que la couleur rouge fasse l’objet d’un droit exclusif, alors que la société Louboutin avait assigné la maison Yves Saint-Laurent pour l’utilisation de semelles rouge dans sa collection.

Il semblerait que la roue ait tourné suite au jugement rendu par le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (TPICE) le 16 juillet 2015 (n°T-631/14). Ce contentieux opposait la société Louboutin à la société ROLAND SE. Cette dernière s’est opposé à la demande d’enregistrement de la semelle rouge « Louboutin » à titre de marque communautaire, effectuée auprès de l’Office pour l’Harmonisation du Marché Intérieur (OHMI). La société ROLAND SE considérait que cet enregistrement portait atteinte à son droit antérieur et constituerait donc une contrefaçon, en raison du fait qu’elle avait elle-même enregistré une marque composée d’un rectangle bleu et rouge dans lesquels était écrit « my SHOES », pour désigner également des chaussures.

La chambre des recours de l’OHMI, préalable à la saisine du TPICE, avait rejeté la demande de la société ROLAND SE. Le TPICE est venu confirmer cette décision après s’être livré à une comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des deux signes, afin de déterminer s’il existait un risque de confusion.

Tout d’abord, le TPICE a comparé visuellement les deux signes, en prenant en compte l’intégralité des composants de la marque déposée par la société ROLAND SE. Il a considéré, comme la chambre de recours de l’OHMI, que la couleur rouge n’était pas susceptible de dominer l’impression d’ensemble produite par ces deux signes. Il en est résulté une absence de similarité visuelle entre les deux.

Ensuite, le TPICE s’est attaché à effectuer une comparaison phonétique des deux signes. Pour la marque revendiquée par Louboutin, il a aisément présumé que les consommateurs emploieraient les termes « semelles rouges d’une chaussure à talon » pour désigner cette marque. Tandis que pour la marque déposée par la société ROLAND SE, du fait de l’inscription des termes « MY SHOES », il est plus probable que le public la désigne par ces termes. Le TPICE en a donc conclu à l’absence de similarité phonétique.

Pour finir, se livrant à une comparaison conceptuelle des deux signes, le TPICE a considéré que le fait que les deux signes soient associés à l’idée de chaussures ne conduisait pas à admettre une ressemblance conceptuelle entre eux.

La société LOUBOUTIN a gagné cette fois-ci et il semblerait que ses fameuses semelles rouges aient enfin trouvé « marque à leur pied » grâce aux juridictions de l’Union européenne.

Amélie JOURDAN, Juriste

Sources :  eur-lex.europa.eu