L’actualité des derniers jours s’est étrangement focalisée sur le cas de Monsieur Lies Hebbadj. Petit tour d’horizon juridique de la situation.
On le sait la polygamie est interdite en France. Le code pénal le réprime assez sévèrement pour nous rappeler cette valeur essentielle de notre république : Article 433 – 20 du code pénal : « le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage d’en contracter un autre avant la dissolution du précédent est puni d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende »

Seule existe aux yeux de l’Etat français, le mariage civil célébré en mairie, c’est à dire le mariage célébré publiquement devant l’officier de l’état-civil et retranscrit dans les registres. Ainsi, tout mariage ou union religieuse qui ne serait pas célébré civilement n’est pas un mariage valable et reconnu par les lois de notre République.

Ces préliminaires posés, on s’interroge sur le cas suscitant tant de débat. En effet, il semble que Monsieur H. ne se soit marié qu’une seule fois et qu’en l’espèce, il n’existe qu’une seule inscription de mariage à l’état civil avec une jeune femme française. Au sens juridique du terme, il n’y a pas de polygamie. Pour l’Etat français, il n’y a donc pas de délit.

Aujourd’hui, notre ministre propose à l’encontre de cette personne, la déchéance de sa nationalité qu’il aurait acquise du fait de ce mariage.
Ce mot fort qu’est la « déchéance de nationalité » ne peut qu’appeler à de nombreuses interrogations. Reprenons nos codes et plus précisément l’article 25 du code civil : « L’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :

1° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3° S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4° S’il s’est livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France. »

Cet article est clair et démontre le caractère grave d’une telle mesure. Ya-t-il eu délit en l’espèce ? Y a-t-il eu délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ?
Venir menacer publiquement un individu du retrait de sa nationalité – de son identité – alors qu’à ce stade, rien juridiquement ne justifie, ni même autorise une telle mesure, c’est oublier l’un des principes essentiels de notre Etat de droit : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » (article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789).

Stéphanie Alves
Elève – avocate

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